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La lettre du Ster de Lesconil

Un peu d’histoire - Par Vincent Le Floc’h

Le hameau de Saint-Alour On n’en possède aucune autre description. Les changements liés à la Révolution
Bihan Ce même document fait apparaître l’organi- Désormais le sort de Saint-Alour est lié aux vi-
sation traditionnelle du bourg rural, remon- cissitudes de la vie religieuse qu’a connues la
Précédemment nous avons abordé la forma- tant aux temps les plus reculés. La chapelle France au cours de la Révolution. Retenons-
tion et les transformations concernant les occupe le centre d’un cimetière dans lequel en quelques temps forts :
deux paroisses primitives installées de part est érigée une croix. Ce cimetière est devenu La chapelle est d’abord délaissée à partir
et d’autre du Ster. Intéressons-nous mainte- en 1832 une simple pâture. La parcelle porte de la signature de la Constitution Civile du
nant à ce qu’a été le bourg initial de l’une d’ailleurs le nom révélateur de « ar veret » (le Clergé (1790). Les prêtres de Plobannalec
d’elles. Accroché à l’une des rives du ruisseau cimetière). Ce qui est plus surprenant, c’est et Plonivel, jusqu’alors en place, refusent de
qui débouche dans le Ster, ce hameau a été l’existence d’une bâtisse dénommée encore prêter serment et vivent dans la clandesti-
désigné, jusqu’à la Révolution au moins, sous en 1804 « maison presbytérale ». Elle est en- nité. Parallèlement on élit à Plobannalec en
le nom de Saint-Alour-Bihan par opposition à tourée des courtils qui en dépendent. Il s’agit décembre 1791 un recteur constitutionnel,
l’actuel bourg de Plobannalec et à son église donc de l’ancien presbytère dont le souvenir Jean-Christophe Guillermou, originaire de
également dédiée à Saint Alour. a traversé les siècles. La demeure donne sur Fouesnant. Il s’installe dans le presbytère lais-
une grande place de village portant bien son sé vacant (l’actuelle maison des associations).
La chapelle et ses dépendances avant nom : leuker, contraction de leur ker, qui si- Cette situation dure jusqu’aux lendemains de
la Révolution gnifie la place du village. A proximité figurent la chute de Robespierre.
Depuis le transfert du bourg paroissial vers des exploitations agricoles dont l’une dénom- A partir d’avril 1795, la chapelle peut re-
l’emplacement actuel, au XVe siècle pro- mée « lec’h Caradec ». Ce nom figure sur la prendre du service car un décret autorise les
bablement, l’ancienne église paroissiale de carte des ingénieurs-géographes des années particuliers qui en font la demande à louer les
Saint-Alour a été réduite au statut de simple 1780. Ajoutons-y une fontaine, comme c’est lieux de culte pour les mettre à la disposition
chapelle de dévotion. Elle devient donc une le cas très souvent auprès des chapelles. Elle des fidèles. C’est ce que fait Jean Larnicol de
chapelle de quartier réunissant les fidèles était visible il y a encore peu de temps. Dans Kerespert pour la chapelle de Saint-Alour.
pour le pardon et quelques autres fêtes Parallèlement les prêtres réfractaires peuvent
de l’année. Comme pour toutes les autres de nouveau réapparaître au grand jour, à
églises et chapelles, un fabrique en charge condition de faire leur déclaration de rési-
c’est-à dire un trésorier-administrateur, choisi dence et de promettre d’y vivre paisiblement.
pour un an, est chargé de gérer les affaires Voilà donc une situation bien étrange sur le
matérielles. Le budget est très limité mais le territoire de la commune de Plobannalec : au
solde positif s’accumulant d’année en année, bourg officie le recteur constitutionnel, tan-
le reliquat disponible voisine les 1 000 livres dis qu’à Plonivel et à Saint-Alour les fidèles
en 1789 (une vache, à l’époque vaut environ sont réunis autour de prêtres réfractaires !
50 livres). Voilà de quoi envisager un change- Le débarquement de Quiberon (juin 1795)
ment de toiture car celle en place est en train organisé par les émigrés soutenus par les
de vivre ses dernières années. Anglais provoque un raidissement de la vie
Cette chapelle n’est autre qu’un petit édifice politique intérieure française. Ainsi reprend
de forme rectangulaire, si l’on en juge par sa la lutte contre les prêtres réfractaires et ceux
représentation sur le plan cadastral de 1832. qui les soutiennent, considérés comme des
ennemis de l’intérieur. En quelques semaines,
durant les mois de brumaire et frimaire An IV
Chapelle (novembre-décembre 1795), des rapports
de la police des cultes font état des plaintes
du plus illustre des habitants de Saint-Alour,
Cimetière l’agent municipal Le Moigne (c’est l’appel-
les notes rédigées avant son départ par le lation du moment pour désigner le maire)
Maison chanoine Jézégou (recteur de Plobannalec de contre les allers et venues des prêtres réfrac-
presbytériale Leuker 1907 à 1946), on trouve trace d’une tradi- taires la nuit. C’est encore lui qui dénonce
tion concernant cette fontaine. « Saint Alour Jean Larnicol et Christophe Gouzien qui ont
était très populaire dans le pays bigouden. mis les édifices de culte loués (Saint-Alour et
On l’invoquait surtout pour le bon rende- Plonivel) au service des prêtres réfractaires
ment des moissons […] Il y a une trentaine maintenant interdits. Derrière ces inter-
d’années (donc avant 1914) on venait encore ventions on sent la plume de Guillermou.
à l’époque des semailles tremper dans la fon- Homme cultivé, maitrisant parfaitement la
taine de Saint-Alour une ou deux livres de langue française, il a exercé à Plobannalec
blé qu’on allait semer. Le blé ainsi trempé se la fonction d’Officier d’Etat-Civil et a été
mêlait ensuite aux semences. » En définitive membre du conseil général (=municipal) de
on voit que l’ancien bourg rural s’est muté en la commune.
gros hameau qui a gardé le souvenir de son Nous verrons la prochaine fois le devenir
220 veret (cimetière) de St-Alour, pâture
221 chapelle de St-Alour, mâzure ancienne fonction religieuse. des biens nationaux de Saint-Alour.

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