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La lettre du Ster de Lesconil

Un peu d’histoire - Par Vincent Le Floc’h

KERLUT : DE L’ANCIEN MANOIR AU (novembre-décembre 1793) : le manoir et années 1890. Le ménage a en tête l’idée
NOUVEAU ses dépendances, les terres aux issues du d’en construire un nouveau.
Après nous être intéressés aux territoires manoir et la métairie et enfin le moulin à Ils disposent d’un cadre magnifique à l’in-
établis de part et d’autre du Ster (les pa- eau. tersection des deux bras principaux du Ster
roisses de Plobannalec et de Plonivel), exa- avec une belle vue sur la ria. L’architecte
minons maintenant les vieilles demeures retenu, Emile Ducrest de la Villeneuve, qui
bâties sur ses rives : les manoirs de Kerlut est venu habiter Pont-l’Abbé après une
et de Kerhoas. carrière bien remplie au service de l’Etat
Nous savons que, dès la fin du XV siècle, comme sous-préfet ou préfet est le gendre
e
une famille noble habitait Kerulut, en la du célèbre archéologue Paul du Chatelier.
personne de Yves du Haffond. Dans son Ce dernier est, comme Célina Chauvel, un
ouvrage connu, les Bigoudens (1894), Ga- descendant direct de Jean-Baptiste Huard.
briel Puig de Ritalongi parle du « manoir Le plan élaboré offre une construction au
de Kerulat (XVII siècle) qui a disparu. » goût du jour, conçue comme une demeure
e
La photographie de sa façade, avec ses agréable à vivre, tout en rappelant certains
fenêtres à meneaux, le fait remonter plus détails de l’ancienne bâtisse notamment la
e
probablement au moins au XVI siècle. porte surmontée d’un arc brisé et les nom-
breuses fenêtres à meneaux. De plus, à l’in-
térieur on refait à l’identique la cheminée
de l’ancien manoir avec la date de 1666.
Quand on y ajoute la tourelle d’angle, les
lucarnes, les hautes cheminées, tout cela
n’est pas sans rappeler les châteaux fran-
çais des débuts de la renaissance. Les tra-
vaux furent rondement menés de 1896 à
1898 malgré certaines incertitudes comme
en témoigne la correspondance avec le
Cadastre de 1832 maître-vitrier qui devait réaliser le vitrail de
L’ancien manoir Jean Le Moigne de Saint-Alour emporte la chapelle. Arthur, le héros des chevaliers
de la table ronde, peut-il être assimilé à un
le premier lot pour la coquette somme de
Erreur probable ! Par contre l’erreur est cer- 16 700 livres. Les deux autres sont vendus saint ? Le propriétaire, très attaché à son pré-
taine quand il fait de Plonivel une trêve de respectivement pour 3 850 et 1 600 livres. nom, insiste et finit par avoir le dernier mot.
Plobannalec !. Jean Le Moigne meurt peu après et sa Arthur Janvier de la Motte ne profite pas
Nous sommes mieux renseignés sur les veuve, Anne Coader, en loue la moitié dès longtemps de cette belle demeure puisqu’il
propriétaires du XVIII siècle en particu- le 3 pluviose An II (22 janvier 1794). meurt en 1912. Son épouse, que les an-
e
lier Jean-Marie de Geslin qui y est né en Les biens passent ensuite durablement ciens de Plobannalec appelaient avec révé-
1737 et qui, plus tard, a fait carrière dans dans la famille de Jean-Baptiste Huard et rence « an intron Kerlut » (la dame de Ker-
la marine. A Kerulut naissent ses quatre de ses descendants. Il saisit les occasions lut), a géré le domaine jusqu’à sa mort en
filles suivies de l’unique garçon, Marie- pour acheter des manoirs parmi lesquels 1931. Sa fille Marthe, épouse de Négraval,
Hyacinthe (1768). Pour quelles raisons la La Coudraie en Tréméoc où il vit et meurt, en hérite avant de le revendre en 1938 à
famille émigre-t’elle ensuite dans une autre Kernuz en Pont-l’Abbé, Kerhoas et Kerulut Monsieur Martin. Revendu en 1956, il de-
de leurs possessions, le manoir de Pennna- en Plobannalec…). Il fut même un temps vient restaurant et, plus tard, est racheté
run en Ergué-Gabéric où meurt Jean-Marie maire de Pont-l’Abbé. En 1840, il figure par le comité d’entreprise de Renault. Ac-
en 1786 ? Marie-Hyacinthe, qui a hérité en tête des propriétaires fonciers de Plo- tuellement c’est devenu un complexe tou-
de Kerulut, émigre dès le début de la Révo- bannalec. Sa fille, Marie-Michèle, épouse ristique important.
lution et devient ensuite un haut respon- de Charles-Louis Le Bihan Durumain, en
sable de la chouannerie sous les ordres de hérite. Les biens passent plus tard entre les
Georges Cadoudal. De nombreux assassi- mains de la petite fille de cette dernière,
nats lui sont attribués. En 1801 il épouse Célina Chauvel née à Quimper en 1850.
Thérèse-Elisabeth-Marie Bréard de Boisan- Elle épouse le comte Arthur-Joseph Janvier
ger de Quimperlé. Il s’y installe avec son de la Motte, qui avait hérité de son oncle
épouse jusqu’à sa mort en 1832. ce titre romain de comte. Après avoir été
Que devient le manoir de Kerlut pendant juge dans différentes villes, il décide, une
ce temps ? Les possessions de Marie-Hya- fois venu le temps de la retraite, de se reti-
cinthe de Geslin devenus biens nationaux rer à ce qu’on appellera maintenant Kerlut.
sont réparties en 3 lots pour être mis en L’ancien manoir en mauvais état avait été
vente au cours du mois de frimaire An II démoli très vraisemblablement autour des Le manoir actuel de Kerlut (cliché Jean-Paul Le Gall)

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