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La lettre du Ster de Lesconil










                                           Les hommes : de la misère à l’aisance  cochon de service que l’on engraisse en
                                           L’outil de travail, on l’a vu, c’est la terre.  attendant le moment où son tour vien-
                                           Qu’en est-il de ceux qui en vivent ?   dra d’aller rejoindre le saloir familial.
                                           Un rôle de capitation (impôt par tête) de   Posséder une charrette et des animaux
                                           1734 nous éclaire sur la répartition sociale   de trait donne aussi la possibilité d’aller
                                           de la population. Le montant de cet im-  ramasser le goémon sur la côte toute
                                           pôt est établi par paroisse. La répartition   proche. Même chez ces petits paysans,
                                           est ensuite confiée au « corps politique »,   il n’est pas rare de trouver, si l’inventaire
                                           petite assemblée des notables de la pa-  après décès a lieu l’hiver, la mention de
                                           roisse animée pour une année par un res-  100, 200, voire plus, charretées de  goé-
                                           ponsable financier appelé « fabrique en   mon « emmulonnées à la grêve ». Certes
                                           charge ». Le résultat est ensuite proclamé   la contenance des charrettes était limi-
                                           du haut de la chaire. Nous sommes, nous   tée mais que de déplacements sur une
                                           le voyons, à une époque où le « civil » et   chaussée mal empierrée qui traverse le
                                           le « religieux » se superposent.  Les ordres   marais !  On a du mal de nos jours à ima-
                                           privilégiés mis à part, toutes les tranches   giner l’importance de cet engrais naturel
                                           de la population sont sujettes à cet impôt.   et aussi la chance qu’avait la population
                                           En 1734 le nombre de personnes concer-  de ces paroisses littorales.
                                           nées s’élève à 120 et le montant est ré-  Quant aux paysans aisés, peu nombreux,
                                           parti comme suit :                   la valeur de leurs biens peut aller jusqu’à
                                             Montant prélevé  % de personnes              Niveau social
                                                                 imposées
       Extrait  du  rentier  de  Lestrediagat  (1783)  –
       Archives du Finistère 100 J 1657     Moins de 1 livre  15 %            les plus faibles vivant dans la misère noire.
       En seconde position arrive le baron du   Entre 1 et 2 livres  53 %     Valets et servantes ; beaucoup de veuves.
       Pont, en l’occurrence la famille Baude de   Entre 2 et 5 livres  22%   Petite paysannerie.
       Saint-Père depuis 1753. Aucun des trois
       représentants de la famille  qui se sont   Plus de 5 livres  11%       Paysannerie aisée.
       succédé de cette date jusqu’à la Révo-
       lution n’a résidé dans son château de   Les 3 délégués qui ont participé à l’éta-  atteindre  presque  le  double  de  celui
       Pont-l’Abbé. On les a encore moins vus   blissement  de ce  rôle font  partie  de la  du groupe précédent. C’est le cas en
       sur leurs possessions de Plonivel. Seul   minorité aisée puisqu’ils paient entre  1757 – plus de 20 ans cependant après
       le dernier, Jean-Georges-Claude Baude   4 livres ¼ et 7 livres ½, c’est-à-dire assez  1734 - quand meurt Jean Le Ballacon de
       vient  à Pont-l’Abbé en 1783 pour mettre   peu  par  rapport  aux  plus  démunis.  Ils  Trevelop. Il figure sur le rôle de 1734 et
       de l’ordre et réorganiser l’administration   n’ont pas oublié leurs intérêts.  il n’est pas le plus imposé. Il laisse der-
       de la baronnie. Les biens du baron se li-  Les plus miséreux ont un sort voisin de   rière lui 17 têtes de bétail, petites et
       mitent (!) à 14 domaines congéables dont  celui de Marie Ollivier, veuve, tutrice de 2   grandes confondues valant globalement
       il est le propriétaire foncier. Etonnam-  enfants mineurs dont on sait par ailleurs,   454 livres pour un inventaire dont  le
       ment ils sont regroupés dans quelques  d’après un inventaire après décès réalisé   montant global s’élève à 1480 livres.
       hameaux, principalement Kerdalaë  (4),  peu de temps après, que ses biens se  Les revenus du recteur apparaissent dans
       Quemeur (4), Saint-Mélaire (2).     limitent pratiquement à   «  un mauvais  les comptes de 1790, seule source à ma
       D’autres familles nobles de la région sont   banc, une barrique servant d’armoire »  connaissance sur cette question. Il per-
       bien connues mais leurs possessions en   et sans doute aussi de table car il n’y en  çoit le 1/3 des offrandes ainsi que la dîme
       Plonivel sont réduites à quelques fermes :   a point !                   à la trentième sur toutes les tenues de la
       de Penfeuntenyo de Kervereguin ou   Le  groupe  suivant,  dont  le  sort est  un   paroisse sauf trois. Ses charges sont tra-
       encore le Gentil de Rosmorduc du ma-  peu moins dramatique, représente plus   ditionnellement le loyer dû pour l’utilisa-
       noir de Kerazan, tous deux en Loctudy.   de la moitié des imposés. Ils possèdent   tion du presbytère auquel s’ajoute tout
       Ajoutons-y une demi-douzaine de fonds   en général un mobilier dérisoire, parfois   ce qui relève de l’entretien du chœur de
       appartenant à  la bourgeoisie de Pont-  une vache ou un animal de labour mais   l’église. Finalement son niveau de vie se
       l’Abbé ou de Quimper, hommes de loi   jamais les deux à la fois !        situe entre la condition de la petite pay-
       ou négociants, les deux à la foi pour la   Vient ensuite la petite paysannerie soit   sannerie et celle de la paysannerie aisée.
       plupart.                            un  peu  moins  du  quart  des  personnes   Voilà quelques éclairages sur la vie de la
       Qu’en est-il des biens de l’Eglise ? La fa-  assujetties à la capitation. Elle a de quoi   population de Plonivel avant la Révolution.
       brique, qui gère les biens de la paroisse, ne  vivre en autarcie dans une maison suffi-  Nous verrons la prochaine fois comment
       possède qu’une fondation d’une certaine  samment équipée pour pouvoir manger  la suppression de la paroisse a été mal
       valeur. Il en est de même pour les posses-  et dormir.  Dans la  grange et l’étable as-  vécue pendant la Révolution et même
       sions du couvent des Carmes sur le terri-  sociées à la petite exploitation on trouve  plus tard avec une vaine tentative de
       toire de Plonivel. Le reste, dans les deux  en général 3 ou 4 vaches, 2 bœufs, par-  reconstitution  d’une  paroisse  et  même
       cas, représente des sommes minimes.  fois un cheval et autant que possible le  d’une commune.


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